Dans le cadre de l’entente de coopération entre la TGIR Huma-Num et le Centre de recherche interuniversitaire sur les humanités numériques (CRIHN – Université de Montréal), le HN Lab initie son programme de résidence en accueillant Juliette De Maeyer pour une résidence focalisée sur les bots de chercheur·e·s et ce qu’ils font aux archives.

Le Franklin Ford Bot

Lancé en 2017, le projet “De Franklin Ford à @franklinfordbot : une histoire médiatique en mouvement” cherche à délimiter les contours de l’œuvre et de la contribution de Franklin Ford, un journaliste, théoricien des médias et entrepreneur américain né en 1843 et mort en 1918. La collecte et l’exploration d’archives que ce projet requiert se doublent d’une expérimentation méthodologique : nous avons conceptualisé et construit une série de bots qui incarnent Franklin Ford. Ces programmes automatisés interagissent avec le corpus d’archives, et en offrent une remédiation sur des plateformes de médias sociaux telles que Twitter et Reddit, ainsi que via un chatbot sur le site du projet.

Franklin Ford Bot

Le bot Franklin Ford à l’oeuvre.

Problématiques en résidence

La résidence de Juliette De Maeyer permettra de revenir sur cette expérimentation et d’ouvrir une réflexion autour de ces deux questionnements :

  1. Que font les bots à la recherche en SHS ? Dans notre démarche expérimentale, les bots ont agi à divers moments et à divers niveaux de la démarche de recherche. Ils constituent évidemment un outil de dissémination, en permettant la médiatisation de l’œuvre de Ford à différents publics, notamment sur les médias sociaux. Mais les bots ne sont pas simplement une façon de publiciser la recherche : leur comportement automatisé et aléatoire a parfois fonctionné de manière heuristique, attirant notre attention sur certaines parties des archives négligées, ou proposant des juxtapositions inédites. Ils interrogent également les limites de l’archive et de son édition numérique : chaque action du bot, et les réactions qu’elle suscite, agissent comme tant d’annotations au corpus. Comment les capturer, les organiser et les publier au sein d’une édition numérique, qui serait nécessairement toujours en mouvement ? Enfin, les bots posent également des questions troublantes par rapport à l’écriture, aux sources et à leur autorité : notre chatbot génère du texte inédit en imitant le style de Ford. Écrivons-nous dès lors collaborativement avec un robot ? S’agit-il d’une source comme une autre ? La résidence HN Lab permettra de revenir sur toutes ces questions, et aussi d’identifier d’autres pouvoirs d’action de bots dans une démarche de recherche en SHS.

  2. Faut-il négocier un passage du bricolage à l’industrialisation de ce genre d’expérimentation et si oui, comment ? L’expérimentation @franklinfordbot s’est faite en revendiquant une démarche artisanale et un certain goût pour le bricolage, et ces processus sont loin d’être “propres”. Les transformations successives pour passer d’un ensemble de documents hétérogènes de la fin du 19^e^ siècle à des tweets créent, par exemple, des erreurs d’OCR et du bruit. Travailler avec ce matériau désordonné nécessite de devoir vivre avec des approximations, du non-sens, et des imperfections qui, plutôt que d’être considérés comme des défauts, témoignent d’une réflexion pratique sur la matérialité des médias. Dans quelle mesure ce désordre productif est-il possible si l’on change d’échelle ? La résidence HN Lab permettra d’interroger la transformation cette démarche de bricolage une fois confrontée aux préoccupations d’une TGIR.